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La Mauritanie, à l’instar de la communauté internationale, a célébré dimanche 23 mai 2021, la Journée internationale pour l’élimination de la fistule obstétricale, sous le thème : « les droits des femmes sont des droits humains, nous devons éliminer la fistule obstétricale maintenant ».

Mettre en place de nouvelles stratégies adaptées au contexte Covid-19 

Ouvrant les travaux de la journée, qui se sont déroulés par visioconférence, le Directeur de la Santé Mère et Enfant au Ministère de la Santé, Dr. Diagana Moussa, a d’emblée déclaré que « la fistule obstétricale, au-delà de cette terrible blessure physique, est une atteinte à la dignité intrinsèque de la femme ». Selon lui, les femmes qui en souffrent, la plupart très pauvres, sont souvent condamnées à la dépression, à l’isolement social et à une aggravation de la pauvreté.

« Consacrer une journée à la fistule obstétricale, c’est permettre de rappeler et de sensibiliser à la difficulté d’accès aux soins de santé maternelle, mais aussi c’est lutter contre la morbidité et la mortalité maternelle et néonatale d’une façon générale » a-t-il souligné. Pour lui, c’est surtout lutter contre la violation des droits fondamentaux de ces femmes. Le thème, comme celui de cette année, « les droits des femmes sont des droits humains, nous devons éliminer la fistule obstétricale maintenant » ne peut être mieux choisi et plus actuel, a-t-il ajouté en substance.

Il a précisé que pour atteindre cet objectif, d’éliminer la fistule obstétricale d’ici 2030, c’est maintenant qu’il faut agir. Même la pandémie de Covid-19, ne doit pas, selon lui, nous détourner de cet objectif. « Cette pandémie a mis à rude épreuve nos systèmes de santé. Elle a malheureusement affecté les soins essentiels de santé maternelle et reproductive » a-t-il illustré.

Dr. Diagana estime que la pandémie Covid-19 a surtout entraîné le report des programmes de réparation des fistules jugés non urgents par les hôpitaux dont les ressources ont été réaffectées à la prise en charge des cas de Covid-19. Ce qui doit susciter de nouvelles stratégies pour éviter l’amoncellement des cas de fistules obstétricales, estime-t-il.

« Le Programme Prioritaire Elargi du Président de la République, grâce à une subvention substantielle allouée à l’amélioration de la qualité des soins obstétricaux et à l’accessibilité des femmes enceintes à ces soins, permet non seulement de contribuer à l’éradication de la fistule, mais aussi à l’insertion sociale des femmes pauvres qui en sont atteintes » a déclaré le Directeur de la Santé Mère et Enfant.

La récente participation de la Première Dame à une rencontre régionale de haut niveau en est aussi une illustration, d’après lui. Il a affirmé qu’au niveau du département de la Santé, l’adoption d’une Stratégie pour l’élimination de la fistule obstétricale, constitue un grand pas vers l’élimination de ce fléau. Toujours au niveau du département, rien n’a été épargné, a-t-il ajouté en substance, pour la continuité des actions d’amélioration des soins de santé maternelle et infantile pendant cette pandémie. « Dans ce cadre, les programmes de réparation des fistules obstétricales qu’entreprend notre département, avec notre partenaire l’UNFPA, ne devrait plus souffrir de retard » a-t-il conclu.

L’UNFPA, partenaire stratégique dans la lutte contre la fistule

Le Représentant Résident de l’UNFPA en Mauritanie, SEM. Saidou Kaboré, avait auparavant souligné que le thème retenu cette année, pour la célébration de la Journée mondiale de la fistule obstétricale, « nous interpelle quant à l’urgence à mettre en commun nos efforts pour mettre fin à ce phénomène ». Plus techniquement, il explique que la fistule obstétricale est une grave blessure subie par les femmes lors de l’accouchement. Il s’agit selon lui, d’une perforation de la filière pelvi-génitale causée par un travail prolongé ou obstrué. Non traitée, elle peut entraîner des infections, des maladies, voire l’infertilité, a-t-il fait remarquer.

Selon M. Kaboré, les victimes en Mauritanie se comptent parmi les filles et les femmes les plus vulnérables, démunies, vivant dans les localités les plus enclavées, avec un accès très limité à des services de santé de qualité. « Pendant que le Monde entier dénombre chaque année, 50 000 à 100 000 nouveaux cas, la Mauritanie compte 150 à 300 nouveaux cas » a-t-il rappelé.

Il a salué dans ce cadre les efforts déployés par le gouvernement mauritanien, à travers notamment la prise en charge chirurgicale et l’offre de chirurgie de réparation à 635 femmes porteuses de fistules, l’intégration de la fistule obstétricale dans les maladies indigentes avec l’accès à la gratuité de la prise en charge, y inclus la réinsertion socioéconomique des femmes traitées et guéries de la fistule obstétricale. Mais les défis restent encore nombreux face aux cas additionnels, a-t-il regretté.

La prévention reste selon lui le moyen le plus efficace pour stopper définitivement la fistule en Mauritanie. Il a salué dans ce cadre les multiples campagnes menées à travers le pays malgré la « tempête » de Covid-19, campagnes auprès des centres de santé pour le maintien de l’offre de services de qualité de planification familiale et de réparation des fistules obstétricales au profit des femmes issues de milieux vulnérables. Il a salué aussi les efforts menés par les équipes du Ministère de la Santé, mais surtout l’intervention de la Première Dame, Dr. Mariam Fadel Dah, en faveur de l’élimination de la fistule obstétricales au cours de la rencontre de Haut Niveau pour l’élimination de ce fléau.

La Stratégie nationale et ses recommandations

 

Chargé de modérer la visioconférence, Dr. Sidi Mohamed Abdel Aziz, Chef de service santé maternelle, néonatale, infantile et adolescent à la Direction de la Santé Mère et Enfant, a fait une brève présentation de la Stratégie nationale de 2020 pour l’élimination de la fistule obstétricale ainsi que ses recommandations.

Il a souligné que la fistule obstétricale est une maladie invalidante qui touche profondément l’aspect psychique, physique et social de la femme. Elle est surtout due, selon lui, à la défaillance du système de santé qu’une enquête SONU menée en 2020 a permis de détecter au niveau des maternités du pays. Dans la plupart de ces structures, en particulier les centres de santé, il a été remarqué, d’après lui, que ces derniers ne délivraient pas les Soins néonataux d’urgence (SONU B). Pourtant, fait-il remarquer, il s’agit d’une priorité nationale et l’élément essentiel pour lutter contre les fistules obstétricales.

L’autre cause des fistules qu’il a citée, le mariage précoce qui continue de sévir, malgré l’existence d’une loi qui l’interdit ainsi que son décret d’application. Il y a également, comme autre cause, cite-t-il en substance, le taux peu élevé de la contraception, qui est seulement de l’ordre de 17% (MICS 2015). Autre cause, un système de référence nationale peu efficace, la fistule restant selon lui, une affaire de travail obstétrique en premier lieu. Le retard dans le référencement des femmes, vivant souvent dans des lieux éloignés et le retard dans leur prise en charge, sont d’après Dr. Sidi Mohamed, l’une des causes de complication débouchant le plus souvent sur une fistule.

La Stratégie nationale pour l’élimination de la fistule obstétricale a dégagé ainsi plusieurs recommandations sur la base d’une analyse situationnelle. Parmi ces recommandations, celle qui élève la fistule au rang de problème de santé publique, la mise en place d’une équipe formée chargée de la prise en charge chirurgicale des cas. Dr. Sidi Mohamed a ainsi félicité les médecins qui prennent déjà en charge les fistuleuses, au niveau de l’hôpital Cheikh Zayed et de l’hôpital Mère et Enfant de Nouakchott, au niveau de l’hôpital de Kiffa, et bientôt, souligne-t-il en substance, au niveau des hôpitaux d’Aïoun et de Sélibaby.

La Stratégie recommande également, selon Dr. Sidi Mohamed, le recensement de toutes les femmes porteuses de fistules, évoquant un projet de recherches de ces victimes avec le concours de l’UNFPA et du SWEDD. Elle recommande aussi l’élaboration d’un plan d’action nationale de lutte contre la fistule obstétricale qui doit inclure les trois principales composantes, à savoir, la prévention, la mise en place d’un système de santé efficace et l’élimination définitive du mariage des enfants, avec un accent sur l’évacuation à temps des femmes en évitant le long travail à l’accouchement, l’éducation des prestataires de santé, en particulier les accoucheuses qui opèrent dans des contrées reculées.

Autre recommandation, le relèvement des plateaux techniques de certaines structures de santé, les séances d’IEC au niveau de tous les centres de santé, l’élargissement du forfait obstétrical et la prise en charge de toutes les femmes, de l’accouchement jusqu’au post-partum. Enfin, l’élaboration d’une base de données commune, la création d’un service de santé communautaire et le lien à opérer entre la stratégie et les mécanismes de prévention secondaire, comme les réseaux SONU.

A noter que la séance de visioconférence a vu la participation du Directeur de la Qualité au Ministère de la Santé, celle de la Directrice de la Médecine hospitalière. Côté UNFPA, il y avait Dr. Boutou Mohamed El Kory et Brahim Vall Ould Mohamed Lemine, entre autres.