« Nous avions l’habitude de recevoir des formations théoriques, aujourd’hui grâce à l’appui du Ministère de la Santé et de l’UNFPA, nous recevons des formations pratiques et de qualité »: Khady, Sage-femme maitresse
En réponse urgente aux résultats tirés de l’ERB SONU (Evaluation Rapide des Besoins en Soins Obstétricaux et Néonataux d’Urgence) et de la mission exploratoire conjointe, réalisées en 2018 dans les structures de la zone d’intervention du 8e programme, le Service SMNIA et une équipe de l’UNFPA ont visité 10 Centres de Santé (CS) pour la distribution et l’initiation de 40 prestataires des maternités sur l’utilisation de certains outils et autres soins de sages-femmes.
Nouakchott, le 09 janvier 2020 - Mme Mimi Moulaye Cherif, Sage-femme, point focal fistule au service de SMNIA, s’est réjouie de la présence de jeunes sages-femmes et infirmières obstétricales dans ces CS. Elles se faisaient rares dans les centres de santé éloignées de la capitale. « C’est une très bonne chose, mais elles doivent impérativement être bien encadrées après la sortie d’école avant d’être affectées » insiste-t-elle.
« A ce rythme, et si chaque année un nombre important est recrutées, la Mauritanie peut atteindre la norme de 1 sage-femme /5000 habitants à l’horizon 2030 » précise Mme Cherif. Rappelons qu’avec le taux alarmant de mortalité maternelle en Mauritanie, 582 décès pour 100,000 naissances vivantes, le Gouvernement en a fait une priorité nationale en l’inscrivant dans les plus grands axes de la stratégie de croissance du pays (SCAPP) de 2016-2030.
Pour sa part Mme Mariam Bassoum, Chargé de programme Sage-femme à l’UNFPA, renchérit « la tournée a été très instructive, elle nous a permis de déceler des gaps dans la prestation de certains soins sages-femmes et de pratiques non harmonisées. Les sages-femmes ont été formées plusieurs fois mais la plupart d’entre elles ne pratiquent pas la compétence acquise ». Par conséquent, un suivi post formation systématique s’impose, idéalement dans les trois premiers mois, pour aider les prestataires à maitriser et mettre en application les compétences acquises au cours des formations. Selon elle, cette mission a permis d’initier les sages-femmes sur l’utilisation de la seringue d’aspiration manuelle intra utérine et de la ventouse obstétricale, mais pour la maitrise parfaite de ces compétences, une formation de proximité devra être faite. Il est prévu d’organiser des sessions de formation sur site en 2020 pour les prestataires de 22 CS qui vont être focalisées sur les interventions à haut impact et sur le mentorat clinique des sages-femmes et autres prestataires de services de santé.
Une idée déjà bien appréciée par Khady, Sage-femme maitresse du CS Bassiknou. Nous avions l’habitude, précise-t-elle, de recevoir des formations théoriques, aujourd’hui grâce à l’appui du Ministère de la Santé, à travers son service SMNIA et de l’UNFPA, nous recevons des formations pratiques et de qualité ici même, ce qui facilitera sans nul doute, énormément notre travail ».
2020, Année internationale des sages-femmes et du personnel infirmier
L’année 2020 a été déclarée « Année internationale de l’infirmier et de la sagefemme ». La Confédération internationale des sages-femmes, le Conseil international des infirmières, Nursing Now, le Fonds des Nations Unies pour la Population et l’Organisation Mondiale de la Santé, ont décidé de célébrer pendant toute l’année 2020, le travail réalisé par les sages-femmes et le personnel infirmier, et de mettre en lumière les conditions difficiles dans lesquels ces agents travaillent souvent, et appeler à investir davantage dans les effectifs et la qualité de ces catégories de personnels.
« C’est déjà un grand honneur d’avoir chaque année une journée consacrée aux sages-femmes, à plus forte raison une année toute entière de reconnaissance à la profession. Dans ce cadre le Bureau de l’Association Mauritanienne des Sages-Femmes en collaboration avec l’UNFPA prévoit des manifestations pour valoriser ce métier. Cela nous permettra de nous encourager mutuellement » déclare Mme Mariam Bassoum, Chargée de Programme Sage-femme à l’UNFPA.
Entretiens avec quelques Sage femmes et des patientes
Haby Sow, sage-femme exerçant au CS de Mbout depuis 13 mois : « Je suis chanceuse, je me sens bien, je suis chez moi », rappelle-t-elle, parce qu’elle est originaire de la même ville. Contrairement à Haby, certaines de ses collègues se plaignent des dures conditions d’adaptation à cause des coûts élevés du loyer et elles déplorent ne pas avoir reçu de prime d’éloignement depuis quelques mois.
Plongée dans son échange avec ses clientes, Haby essaie de répondre à la question quelle est la méthode contraceptive préférée des femmes : « nous présentons toutes les méthodes de contraception, certaines femmes prennent souvent les pilules parce qu’elles supposent que les autres méthodes provoquent des allergies (même si c’est juste une impression) tandis que d’autres préfèrent les injections en prétextant qu’avec les pilules, elles oublient souvent de prendre le produit tel qu’indiqué. Quant à l’utilisation du condom masculin, c’est encore mal vu et concernant l’implant, selon elles, il disparait dans le corps.
Mme Haby qui estime recevoir en moyenne entre 25 et 30 patientes par jour avec des pics en juin et juillet, nous enseigne que l’afflux à la maternité est faible pendant l’hivernage pour des causes liées aux routes coupées et à la fréquentation des champs. A d’autres moments, cette population assez nomade, se déplace à la recherche de meilleurs pâturage pour le bétail.
Face à la question que peuvent faire les sages-femmes face à la situation préoccupante de la santé de la mère et du nouveau-né malgré les efforts déployés par l’Etat mauritanien et ses partenaires dans le secteur de la santé, elle semble quelque peu résignée. « Nous avons beaucoup de problème pour faire comprendre et rendre accessible la contraception à ces populations souvent isolées, pauvres et analphabètes. Elles ne sont généralement sensibilisées qu’au centre de santé », déclare-t-elle. Pire, ajoute-elle, en période de fortes pluies, ces zones sont enclavées, ces femmes n’ont plus de moyen de transport et cela explique les accouchements à domicile.
A Tintane, une sage-femme reconnait l’intérêt d’avoir ces outils et la formation. Par exemple, explique-t-elle, l’utilisation de l’AMIU a pu nous permettre d’éviter des évacuations pour la prise en charge des avortements à Aioun. Un cauchemar qui posait un grand problème aux populations qui, le plus souvent sont très pauvres.
Meyeum, une patiente, venue de Daghveg, hameau situé à 25 Km de Barkéol, dit apprécier la disponibilité et la sympathie des sages-femmes. « Nous avons un petit poste de santé au village mais il n’y a pas de maternité. Nous sommes obligées de payer 300 MRU (8,30 USD) pour venir à Barkéol mais cela en vaut le coût. Depuis que nous avons découvert l’importance de l’accouchement au Centre de santé et de la planification familiale, nous venons voir la Sage-femme même pour des consultations prénatales ».
Une autre patiente, venue pour « une consultation » (une manière de dissimuler qu’elle est venue pour la planification familiale selon un témoin), nous explique que l’espacement des naissances permet d’être plus autonome. Au moment de faire un second enfant, le premier « peut se surveiller tout seul ».