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« Il y a quelques années, se souvient Harouna Alhassane Diallo, nous – les imams – ne parlions pas du tout de l’excision. Il y avait beaucoup d’ignorance. Était-elle néfaste ? Était-elle répandue ? Quelle était la vision de la religion ? Et puis, en 2010, Dieu merci tout a changé. Les imams et les oulémas se sont réunis et les choses ont commencé à bouger. »

Le 12 janvier 2010, une trentaine d’oulémas se sont réunis à Nouakchott pour adopter à l’unanimité la fatwa, ou décret religieux, reconnaissant l’interdiction de la pratique de l’excision dans l’Islam. Les conclusions des leaders religieux ne laissaient alors aucune ambiguïté sur le caractère très nuisible de cette pratique sur la santé des femmes, en contradiction avec les textes sacrés qui placent l’intégrité physique de l’individu au-dessus de toute autre considération.

« A l’époque les gens étaient très mal informés. Bien sûr nous savions que c’était pratiqué ici – à Kaédi – et qu’il y avait parfois des accidents, mais c’était avant tout une tradition et une affaire de femmes. Alors nous n’en parlions pas. Mais lorsque la fatwa a été adoptée les mentalités ont commencé à changer et les fidèles ont commencé à se questionner. »

En Mauritanie, les mutilations génitales féminines sont avant tout liées à une pratique traditionnelle consistant à l'ablation de la partie externe du clitoris et des petites lèvres. Cette pratique, principalement observée dans les premiers mois qui suivent la venue au monde de l’enfant, aurait pour but de limiter l'accès des femmes à une sexualité débridée en affaiblissant le désir de la femme.

UNICEF Mauritanie/Pouget/2020

Malgré les sensibilisations et le durcissement constant de la législation ces dernières années, l’excision est encore une pratique courante en Mauritanie. Si l’on estime que cette pratique touche encore plus d’une fille sur deux de moins de 14 ans*, les risques encourus sont pourtant considérables en raison notamment de conditions d’hygiène souvent précaires. Ainsi, De nombreuses complications peuvent survenir à la suite de l'intervention : hémorragie, infection, complication lors de l'accouchement, traumatisme psychologique.

« C’est à ce moment que j’ai commencé à suivre des formations sur l’excision. Je voulais être mieux informé. J’ai une compréhension de l’Islam qui va avec le monde actuel mais tous les imams ne voient pas les choses comme ça. Moi je pense que j’ai une responsabilité et un rôle à jouer : je veux sensibiliser les gens. Je suis né et j’ai grandi à Kaédi. C’est ici que j’ai appris. Je connais toutes les familles, quelle que soit leur ethnie. Alors pour moi c’est important, vous comprenez ? »

Grâce au partenariat avec le Réseau des Imams et Oulémas pour la Protection des Enfants et l’Action de Bienfaisance (RIOPEAB), plusieurs ateliers sont organisés chaque année dans la plupart des capitales régionales. Ces formations, proposées par UNFPA et UNICEF, abordent les questions sociales contemporaines dans le contexte de l'Islam, notamment celles liées aux droits des femmes et des enfants.

« A présent j’aborde régulièrement ce sujet dans mon prêche du vendredi. C’est toujours difficile de faire l’unanimité, mais depuis le début du programme j’ai vu beaucoup de changements. Les gens commencent à comprendre que cette pratique est néfaste et qu’il faut l’abandonner. L’Islam existe pour protéger les êtres vivants, y compris les femmes. Tout ce qui peut nuire à la santé d’un individu, l’Islam est contre. »

*Source : enquête à grappes à indicateurs multiples (Multiple Indicator Cluster Survey, MICS), 2015”.