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La clinique mobile, une solution adéquate et innovante pour “ne laisser personne de côté” dans les zones les plus enclavées de la Mauritanie

La clinique mobile, une solution adéquate et innovante pour “ne laisser personne de côté” dans les zones les plus enclavées de la Mauritanie

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La clinique mobile, une solution adéquate et innovante pour “ne laisser personne de côté” dans les zones les plus enclavées de la Mauritanie

calendar_today 08 Mai 2025

La clinique mobile, une solution adéquate et innovante
La clinique mobile, une solution adéquate et innovante

“Ce camion est pour moi, un miracle. Nous n’avons pas de moyen de transport et tout n’est pas gratuit. C’est ma sixième grossesse et je suis toujours traumatisée par la perte de mes deux bébés. J’ai trois enfants et j’aimerais bien que celui qui est dans mon ventre survive en bonne santé. C’est pourquoi je ne dois pas rater cette opportunité pour le suivi convenable de cette grossesse grâce au camion”. Ceci est le sentiment  d’espoir et de bonheur que procure le camion. 

Beya, la trentaine,venue avec une anémie sévère, nous raconte : “J’ai été informée par le chef de village et les voisins que le camion passera au village. Je me suis levée très tôt pour prendre mon ticket. J’avais hâte de rencontrer ces femmes qui me rassurent et qui prennent soin de moi. Lors de son précédent passage, j’ai été consultée, elles (les sages-femmes) m’ont donné beaucoup de conseils et de médicaments gratuits. Cette fois ci, elles ont analysé mon sang, mesuré et posé un appareil pour écouter mon ventre et elles m’ont même mis un appareil qui a permis de me rassurer sur l’état de santé de mon bébé à travers “ une télé” (l’échographe). 

D’un air rassuré, meme si on sait quelle est précocuppée par l’accomplissemnt des taches menageres, jetant un regard sur la marmite ou tantôt un geste comme pour éloigner les poussins, elle poursuit :  “La sage-femme avait vraiment insisté pour que je complète toute mes visites à Bassiknou (45 km du village). Nous n’avons pas de moyen de transport et tout n’est pas gratuit à Bassiknou. 

Après quelques jours de répit, la clinique mobile reprend son périple dans la Wilaya du Hodh, Echarghi, plus précisément à Kindjerla, situé à plus de 1300 Km de la capitale Nouakchott ( à 15 km de Fassala) , à quelques kilomètres de la frontière avec le Mali.  Cette Wilaya qui fait partie de la bande du Sahel est très vaste avec des villages éparpillés où la température est rarement en dessous des 45°, en ce mois d’avril.  La densité de population y est très faible.  On y constate un mode de vie  fondé sur le nomadisme et une pauvreté criarde.  

La  wilaya du Hodh El Chargui qui enregistre déjà les indicateurs de santé les plus alarmants, accueille des populations déplacées en raison de l'instabilité dans les pays frontaliers. Après la capitale Nouakchott, elle compte le plus grand nombre de population y compris plus de 200 000 réfugiés.

L'UNFPA, en appui au ministère de la santé, a acquis trois cliniques mobiles dont deux pour le Hodh El Chargui afin de faciliter l'accès aux services de santé pour les autochtones, les réfugiés et les mauritaniens retournés à cause du conflit. Comme pour répondre au message estampillé sur le camion “Ne laisser personne de côté”, les sages-femmes humanitaires recrutées par l’UNFPA, en appui aux équipes de district sillonnent les localités les plus reculées du Hodh Echargui. Depuis son déploiement en fin d’année 2024, le camion a effectué jusqu'à 10 sorties, correspondant à 45 jours de terrain avec plus de 40 localités touchées. 

La clinique mobile est entièrement équipée pour assurer des soins de qualité dans des conditions optimales. Elle dispose de matériel médical moderne, incluant des équipements pour les consultations gynécologiques, le suivi pré et postnatal, la planification familiale, l'échographie, ainsi que du matériel de diagnostic de base, comme elle peut assurer des accouchements. A travers les sorties, 12.702 personnes ont reçu des informations sur la Santé reproductive/Planiifction familiale, les violences basées sur le genre y compris la Prévention de l'exploitation et des abus sexuels (PSEA), les Mutilations génitales féminines, l’hygiène menstruelle, et le prolapsus utérin, avec l’assistance des relais communautaires.  Pour la santé maternelle : 525  femmes ont bénéficié de visites prénatales dont 40% réfugiées,  292 femmes enceintes ont fait le test d’échographie, 273 pour les tests d’hémocue (hémoglobine), 178 femmes ont reçu la supplémentation en fer. Dans le domaine du planning familial, 167 nouvelles utilisatrices ont été recrutées et 491 kits d’accouchement distribués aux femmes enceintes. Quant  aux violences basées sur le genre (VBG), la clinique mobile a identifié 407 cas, majoritairement des mariages d’enfant, 393 adolescentes dont 79% âgées de 12 à 19 ans ont reçu des kits de dignité et 141 femmes et filles identifiées pour le cash transfert.

AA
Djeynaba, Sage-femme, dépéchée par le Programme Education pour la Santé du Ministère de la santé, témoigne : “J'ai fait plus de 20 ans de service dans le domaine de la santé reproductive mais je n'ai jamais vu une clinique mobile avec une offre de services aussi complète. Je suis venue superviser au nom du Programme et je pense que la sensibilisation joue un grand rôle dans la prévention. Nous avons reçu beaucoup de femmes et de filles et les conditions sont très difficiles. Nous avons noté beaucoup de cas de mariages et de grossesses précoces et ce n'est pas une surprise d'avoir des grossesses à risque (complications obstétricales). La majorité des femmes que nous avons reçues ont des taux d’hémoglobine entre 4 et 7g. 

Ce qui m'a le plus marqué, raconte-elle avec un ton triste, “c'est l'histoire de la jeune fille enceinte que nous avons reçue en urgence, après avoir été interpellées par sa maman. Elle saigne depuis une semaine, elle a fait un avortement incomplet avec un taux d'hémoglobine inférieur à 4g. On a pu la référer par l'intervention de l'ambulance du centre de santé de Fassala (15 km) vers Bassiknou pour une meilleure prise en charge. Nous avons également reçu une fille de 16 ans avec des douleurs pelviennes et son cas m’a beaucoup marqué également.” 

Cette histoire, c’est celle de Aminata, jeune réfugiée mariée à l’âge de 13 ans et ayant fui son village, Lampar, dans la région de Segou, au Mali voisin, avec son jeune mari et ses parents, il y a deux ans. Dans une atmosphère triste et un discours timide. Elle lâche les mots tel qu’un enfant qui balbutie. Les mains tremblant qui retournent le coin du voile noir sur le visage. Elle poursuit : “C’était une surprise , nous n’avons rien pu prendre quand ils se sont approchés (Les terroristes) du village. Rien que quelques habits. Nous avons été bien accueillies en Mauritanie, et quand la situation est devenue plus stable j’ai consommé mon mariage l’année dernière”. 

CM

A travers le récit de Aminata qui a accepté de se confier, on pouvait lire sur le visage de ses amies, venues pour des consultations, les mêmes difficultés traversées. 

Enfants, hommes et femmes, tous semblaient attendre avec impatience l’arrivée de cette clinique. La cour du Chef de village, improvisée en espace de santé avec la maison transformée en salle de consultation, est une aubaine pour cette population démunie. Réfugiés, retournés et autochtones, chacun guette prudemment son numéro sous le regard des agents de la gendarmerie nationale. Une zone rouge en termes de sécurité exigeant l’escorte des forces de l’ordre pour le déploiement.

Cette clinique mobile complète constitue une réponse concrète aux défis liés à l'immensité du territoire mauritanien, où l'accès aux services de santé, en particulier dans les zones reculées, représente un défi majeur. Ces camions, acquis grâce aux fonds réguliers de l'UNFPA et dans le cadre du projet CERF, permettent de couvrir de larges périmètres et de soulager les populations les plus éloignées. 

En effet, la Mauritanie s’est engagée, à travers son Programme National de Développement Sanitaire (2016-2030), à réduire drastiquement la mortalité évitable des femmes et des enfants. Parmi les objectifs fixés figurent l’accélération de la réduction de la mortalité maternelle pour atteindre, après révision, 140 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2030. A cet égard, la Mauritanie a élaboré une feuille de route pour l'accélération de la réduction de la mortalité maternelle 2025-2030 et mis en place un observatoire de la santé maternelle placé sous la direction du Ministre de la santé et le parrainage de La Première Dame. 

Malgré des efforts significatifs, avec une baisse de la mortalité maternelle passant de 686 à 424 décès pour 100 000 naissances vivantes entre 2007 et 2020, le rythme de cette réduction demeure insuffisant pour permettre d’atteindre les objectifs fixés à l’horizon 2030. Les sorties mobiles qui permettent d’offrir le service sur place et de sensibiliser les communautés sur l’importance de la planification familiale et des visites prénatales est une initiative très appréciée

Selon El Mahjoub Teyib, point focal à la Direction Régionale de la santé “ cette clinique est une réponse adéquate et innovante. L'État a déployé de grands efforts pour l’accès de proximité aux services de santé. Malheureusement la venue inattendue des réfugiés augmentent la demande et on sait que le déplacement des populations n’est pas facile.