Ce 23 mai 2024, journée internationale pour l’élimination des fistules obstétricales, a été marqué par deux évènements majeurs en Mauritanie : la cérémonie officielle commémorative tenue à Nouakchott et la mobilisation communautaire au niveau du camp de réfugiés de M’berra, dans la région de Hodh ECharghi, qui connait le taux de prévalence le plus élevé des fistules obstétricales dans le pays.
Pour rappel, la fistule obstétricale est une complication redoutable du post-partum. Elle porte atteinte à la dignité de la femme qui perd constamment les urines et ou les selles à la suite d’un accouchement prolongé. En Mauritanie, on estime que chaque année, 150 à 300 nouvelles victimes de fistule obstétricale sont enregistrées dans le pays soit une prévalence d’environ 2.700 cas ; d’où l’importance accordée à cette journée du 23 Mai pour analyser les succès et les promesses non tenues et renforcer l’action.
A Nouakchott, Madame Naha Mint Mouknass, Ministre de la Santé a présidé la cérémonie officielle commémorative, en présence du Secrétaire Général du Ministère de l’Action Sociale, de l’Enfance et de la Famille, des Représentants des agences du Système de Nations Unies et des partenaires techniques et financiers.
Cette cérémonie a été précédée d’un panel de haut niveau composé d’experts nationaux, de représentants des sociétés savantes, des organisations de la société civile et de l’UNFPA. Ce panel a permis de mettre en exergue les progrès réalisés depuis l’adhésion en 2003 de la Mauritanie à la campagne mondiale pour l’élimination de la fistule obstétricale lancée par l’UNFPA et de mesurer le niveau de réalisation de l’engagement de Madame la Première Dame. Engagement que Dr. Mariem Fadel Dah, a pris devant « ses sœurs », à la table-ronde virtuelle des premières dames de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, sur l’élimination de la fistule obstétricale dans la sous-région, tenue à Niamey, en mars 2021
Au Camp de réfugiés de Mberra, refugiés et populations hôtes se sont engagés à briser le cycle et offrir à chaque femme la chance de vivre une vie saine et épanouie. En effet, le camp a vibré d'une énergie particulière à l'occasion de cette Journée à travers une campagne ayant réuni diverses personnalités et acteurs engagés dans la lutte contre cette maladie invalidante.
« Briser le cycle : prévenir les fistules dans le monde ! » n'est pas seulement un thème, mais un message d’espoir et un appel urgent à l'action pour mettre fin à une maladie qui touche des milliers de femmes chaque année. En témoigne le discours poignant de Mme Lila Pieters, Coordonnatrice Résidente du Système des Nations en Mauritanie qui s’est faite la porte voix de Fatma, une jeune femme de 14 ans, dont le récit de vie a touché toute l’audience. Elle cite : « j’ai été mariée à 11 ans et je suis tombée immédiatement enceinte ; Neuf mois plus tard, lorsque j’ai annoncé à ma belle-mère que j’avais mal au ventre, elle a appelé une vieille femme pour venir m’aider à accoucher. C’est trois jours plus tard que les hommes ont dit de m’amener au centre de santé. Là-bas, ils ont dit de continuer à l’hôpital où j’ai accouché le lendemain. Malheureusement, mon bébé était déjà mort. Depuis ce jour je n’ai plus le contrôle de mes urines qui ne cessent de couler. Je sens mauvais et je ne peux plus rester avec les autres; je ne peux pas aller au marché, je ne peux plus participer aux mariages ou aux baptêmes. Mon mari a pris une autre femme et m’a demandé de rentrer chez mes parents pour me soigner. Je reste enfermée, je vis hors de la société ».
Chaque année, ce sont des centaines de jeunes filles et femmes comme Fatma qu’on compte en Mauritanie. Celles qui, à peine avoir commencé leur vie reproductive voient leurs rêves brisés et se retrouvent exclues de la société.
Dans ce camp de plus de 100 000 réfugiés, madame Lila Pieters, entourée de l’ensemble de responsables des agences du Système de Nations Unies présentes dans la zone, et des acteurs humanitaires, a attiré l’attention, sur l’urgence de prévenir les fistules obstétricales par l’abandon du mariage d’enfants et le renforcement de l’accès aux soins obstétricaux d’urgence y compris dans les contextes humanitaires où la vulnérabilité des femmes et des filles est exacerbée par le déplacement forcé, le faible accès aux services de santé de qualité, la pauvreté et les inégalités de genre, toute chose qui compte parmi les facteurs contribuant à la fistule obstétricale. Car dit-elle, « pour prévenir la Fistule Obstétricale dans le monde ! » Les acteurs humanitaires, les populations déplacées et population hôtes comptent également.
La salve d’applaudissement des centaines d’adolescentes et de jeunes filles présentes dans l’assemblée après le slogan «NON au Mariage d’enfants» est l’expression d’un appel à l’action qui a été entendu par les autorités locales.
Le Hakem (Préfet) de la Moughtaa de Bassiknou a exprimé le soutien total des autorités locales à cette cause. « Nous sommes déterminés à travailler avec nos partenaires pour éliminer la fistule obstétricale dans notre département. Chaque femme mérite de vivre dans la dignité et la santé », a-t-il déclaré.
La forte mobilisation et le succès de cette activité a été l’oeuvre des organisations de la société civile, y compris les représentants des associations de réfugiés, sous le lead de l’Association Mauritanienne pour la promotion de la Famille, tous engagés pour l’objectif zéro fistule en Mauriatnie en 2030.